Chaînes de désintégration

Le rêve des alchimistes était de transformer  les métaux vils (plomb, étain…) en métaux nobles comme l’or ou l’argent. On sait  aujourd’hui qu’aucun phénomène chimique ou biologique n’est capable de convertir un atome d’un élément en un autre. Seuls des réactions (fusion, fission) nucléaires ou des désintégrations radioactives permettent de changer la masse et la charge d’un noyau atomique et ainsi, de convertir des éléments. Ces réactions nucléaires naturelles ne peuvent se dérouler naturellement que dans les étoiles, là où les températures sont de l’ordre de dizaines de millions de Kelvins

De telles températures nécessaires pour amorcer les réactions de fusion nucléaires n’existent pas sur Terre (le centre de la terre a une température d’environ 6000 K), et n’ont pas existées lors de sa formation.  Les éléments tels que nous les connaissons dans le tableau périodique existaient bien avant la formation de la Terre, confinés dans des amas de poussières qui se sont agglomérés pour former cette dernière. Les éléments ont  été créés avec la  mort d’une ou plusieurs étoiles à travers la nucléosynthèse stellaire.

nebuleuseAigle

La nébuleuse de l’Aigle distante de 5500 à 7000 années lumière, découverte en 1746 et photographié par Hubble en 1995.

Avant la formation d’une étoile, il n’y a qu’un nuage de matière interstellaire essentiellement composé d’hydrogène et d’hélium ainsi que d’autres éléments léger en faible proportion. Ce nuage de matière forme une nébuleuse telle que la nébuleuse de l’Aigle.

Suite à une perturbation (explosion d’une supernova, passage d’une étoile ou d’un objet massif prés de la nébuleuse…), certaines régions sont comprimées sous forme de grumeaux. Sous l’effet de la gravité, ces régions deviennent de plus en plus denses et aboutissent à la formation de  protoétoiles. La matière continuant à se concentrer, la température augmente (au centre de l’étoile) jusqu’à être suffisante pour que l’Hydrogène commence à fusionner et produise de l’Hélium, en libérant de l’énergie. La fusion de l’hydrogène créé une force thermonucléaire qui tend à faire exploser l’étoile, alors que la gravité tend à contracter l’étoile : l’équilibre des forces se maintient tant qu’il reste du combustible à fusionner libérant de l’énergie pour s’opposer à la gravitation.

Quand l’hydrogène commence à manquer, la force thermonucléaire ne contrebalance plus tout à fait la gravitation. La matière se contracte au coeur de l’étoile et la température augmente à nouveau jusqu’à atteindre une limite où l’Hélium produit par la fusion de l’Hydrogéne, peut fusionner à son tour. Quand l’Hélium commence à manquer, l’étoile se contracte de nouveau, la température augmente et les éléments plus lourds comme l’oxygène, le carbone ou se mettent à fusionner entre eux, produisant de l’énergie contrebalançant la contraction de l’étoile.

fusionreaction

Exemple de réactions de fusion se déroulant au sein d’une étoile

Ces étapes successives [augmentation de température-fusion de noyau lourd] vont conduire à la production de tous les éléments, jusqu’au Fer. Le Fer possède l’énergie de liaison par nucléon la plus grande. La fusion du Fer avec d’autre éléments consomme plus d’énergie qu’elle n’en libère : les réactions de fusion s’arrêtent ainsi au Fer et la température de l’étoile diminue .

Aston curve

Courbe d’Aston montrant l’énergie de liaison par nucléon en fonction du numéro atomique. Le Fer possède la plus grande énergie de liaison par nucléon, c’est l’élément le plus stable.

Dans les étoiles massives, la fusion continue jusqu’à ce que le cœur de Fer devienne si gros qu’il ne puisse plus supporter sa propre masse (à partir de 1.4 masse solaire).  A ce moment, le cœur s’effondre et l’onde de choc fait exploser le reste de l’étoile en une supernova .

supernova

A gauche : La supernova SN 1994D (point brillant en bas à gauche de l’image). Le processus initiant une supernova dure quelques millisecondes et reste observable durant quelques mois. Pendant cette période, la supernova rayonne plus d’énergie qu’une galaxie entière. Les supernovas sont des évènements rares à l’échelle humaine : leur taux est estimé à environ une à trois par siècle dans notre Voie lactée. A droite, Supernova détecté récemment dans la galaxie M82.

L’effondrement de l’étoile crée entre autre, une vague massive de neutrons qui interagissent (par capture neutronique) avec la matière éjectée synthétisant les éléments plus lourds que le Fer, comme l’Or, le Plomb, l’Uranium…

La matière expulsée par la supernova (à plusieurs milliers  de kilomètres par seconde) se disperse dans l’espace et vient enrichir la matière stellaire en éléments lourds. Lorsque qu’une planète se forme par accrétion, elle récupère les éléments crée lors de la nucléosynthèse. Tous les éléments du tableau périodique que l’on retrouve sur notre planète proviennent donc de l’explosion d’une ou plusieurs supernovas il y a 5 à 6 milliard d’années !

periodic table

Les éléments connus sont regroupés dans le tableau périodique.  A partir du plomb (Z=82), tous les éléments plus lourd sont radioactif avec des périodes allant de quelques millisecondes à des milliards d’années…

Abondance des éléments dans l’écorce Terrestre. L’Uranium, par exemple, à
une concentration moyenne dans la croûte terrestre de 3 mg/kg avec une abondance 40 fois supérieure à celle de l’argent ou 1000 fois celle de
l’or.

L’âge de la Terre est de 4,54 milliard d’années.  On retrouve de nos jours les éléments qui ont « survécu » depuis la formation de la Terre. Les éléments stables (jusqu’au Plomb) n’ont pas vu leurs quantités variés depuis ce temps, tandis que les éléments lourd radioactifs se sont désintégrés et se sont transformés en Plomb. Cependant il existe plusieurs noyaux avec des demi-vies très importante que l’on retrouve encore : c’est le cas de l’Uranium 238 (T1/2= 4,5 milliard d’années), de l’Uranium 235 (T1/2= 704 millions d’années), du Thorium 232 ( (T1/2= 14 milliard d’années) ou encore du Potassium 40  (T1/2= 1,24 milliard d’années).

Ces 3 premiers noyaux se désintègrent suivant des chaînes de désintégration, sauf le Potassium 40 qui devient rapidement stable (sous forme de Calcium 40 ou de Argon 40).

decay chain

Chaines de désintégration du Th232 et de l’U238, avec les énergies principales des particules émises lors des désintégrations. On repère le Thoron (Rn 220) de la famille du Thorium 232, formant les « V » dans la chambre à brouillard.

Si un minéral contient de l’Uranium ou du Thorium, on retrouvera tous les radionucléides issus des désintégrations des noyaux pères, chaque radionucléide émettant ses propres particule que l’on verra dans la chambre à brouillard. La famille de désintégration de l’Uranium 235 (U5) ne figure pas ici car la proportion de l’Uranium dans la nature est de 99,3% de U8 et de 0,7% d’U5. On ne sera pas confronté, ou très peu, par les radionucléides issu de cette famille de désintégration pouvant se trouver dans des minéraux uranifère.